L'Amour que j'ay pour vostre Vertu
m'attache beaucoup plus puissamment à vous que l'obligation que je vous
ay: & la cognoissance que vous m'en avez donnée, me fait esperer le
Pardon d'une Incivilité, ou mon Desespoir, & une
[Cholere]unclear tres-legitime m'ont porté; vous l'excuserez
sans doute quand vous en apprendrez la Cause.
~ Nous la considerasmes comme une chose merveilleuse, & si celle
de nostre Prince ne l'eut esgallee, & ne nous eut fait voir plusieurs fois
de semblables Prodiges, nous eussions eu de la Peine à Croire le
Tesmoignage de nos yeux.
~ Si les Dieux qui m'ont soubmis des Empires, ne vous avoient
donné assez de Vertu pour les desdaigner, je vous offrirois une partie
des miens. Mais puis que tout ce que je possede, est au dessoubs de vous, je ne
puis vous offrir que nos coeurs, & un desir eternell de recoignoistre
vostre Generosite par tout ce qui dependra de nous.
~ Si nous ne tirions bèaucoup d'avantages de vostre Perte,
nous la regretterions avec vous; mais quelque obligation que nous vous ayons,
nous ne pouvons nous détacher entierement de l'affection que nous avons
pour nous mesme.
~ Et parce qu'il ne seroit pas juste que vous fussiez malheureux,
seulement pour
nous's' altered from 'r' avoir
obligez avec tant de Generosité, croyez que vous trouverez parmy nous
des Conditions aussi avantageuses que parmy les
Scisthes'S' altered from 'C'.
~ Je n'attendois pas moins d'une Civilité qui m'est
tres-connuë, mais si je ne suis point satisfaite de ces discours, &
que l'interest que prens dans vostre bienvueillance, m'en fassent desirer des
preuves; ne relascherez vous point de cette obeyssance que vous me promettez,
& ne me
laisray'ray' altered from 'sar'-vous point le Déplaisir
& la honte d'un refus que mon Indiscretion a peut-estre Merité.
~ Non Madame je ne relascheray jamais du voeu què
†je f deleted j'ay fait de
vousaltered from 'va' obeyr
Eternellement: & quand je rencontrerois la perte de ma vie dans cét
honneur, elle m'est trop avantageuse pour ne l'embrasser point comme ma plus
glorieuse Fortune.
~ Je vous obeyray, & bien que je voye ma mort inevitable dans ce
que vous desirez de moy; il me souvient que dans les offres que je vous en ay
faites, je ne l'ay point exemptée des Preuves de mon Obeyssance.
~ Je meurs pour vous, & si c'est peu d'une mort pour vous
satisfaire, accusez-en les Dieux, qui ne m'ont donné qu'une Vie pour
reparer une Offence, dont l'expiation en demanderoit plus de mille.
~ Si les Obligations que je vous ay pour &c n'estoient aussi
grandes que la faute que vous venez de commettre, je ne manquerois point de
moyens pour vous faire recognoistre la nature d'une offence &c.
~ Ce
Leger'L' altered from 'l' service
vous fait dissimuler mon Crime & ce que vous appellez Crime,
<vous>replacing 'me' devoit estre mille fois plus considerable que ce Service.
~ qu'avec le nom & la condition
d'Oronte, il n'en avoit pas
despouillé l'affection: ils se tenoient si estroittement embrassez
qu'ils sembloient n'estre plus qu'une mesme Personne.
~ Puis qu'il m'est impossible de vivre si je ne suis aymé de
vous, recevez les nouvelles asseurances que je vous donne de mon amour; &
ne me refusez point la confirmation de celles que j'ay receuës de
vous.
~ Mais j'entends, reprit-il que c'est une amitié par dessus
le Commun, & de laquelle vous ne me refuserez pas des Preuves quand je les
desireray'ay' altered from 'ez' de
vous.
~ Il faudroit (repartit-elle) qu'elles fussent bien difficiles, puis
qu'il n'est pas mieux vray que je suis St. qu'il
l'est que j'ayme le Pr. Art. par dessus
tout ce qui est au monde.
~ Par quelques larmes qui acheverent de la vaincre, & faillirent
à luy faire donner des marques de sa Compassion, qui en auroient sans
doute decouvert la Cause.
~ Or. estoit hors de soy quand il
faisoit reflection à son bon-heur, & quoy qu'il fust infiniment
espris de la Beauté du Corps, celle de l'ame l'avoit tellement
assujetty, que ne pouvant aymer une moindre Vertu, ny faire estat d'une
conqueste plus facile, il trouvoit de la Douceur dans les difficultez qu'il y
rencontroit.
~ Mais madame, Je ne manque point de respect, & je scay taire
par cognoissance ce que je ne
†puis deleted pourrois declarer sans temerité: outre que je fais
veritablement mes efforts pour me deffendre d'un mall, auquel je ne pourrois
esperer de remede sans beaucoup de Presomtion.
~ Vous vous cognoissez assez & nous aussi, pour avoir des
Pensees toutes contraires à vos Discours; & les Dames sçavent
icy comme ailleurs estimer les personnes qui vous ressemblent.
~ Vous pouvez, [Mademoiselle], vous divertir
aux despens de ce malheureux; mais non pas le tirer par une raillerie de cette
nature, de l'opinion qu'il a de soy: Quand vous l'aurez telle que vous la devez
avoir (repartit R.) vous espererez tout ce que vous
desirerez.
~ Ne croyez pas toutesfois que cét accident me change quoy
qu'il me trouble, & qu'estant Or. Fils de M. je ne
sois aussi, Oronte,
fidelefinal 'e' altered from 'l'
Esclave de St. & tres-fidele amy d'Art. Je n'apprehenderay point d'estre fils
dénaturé pour estre loyal amant & amy irreprochable.
~ Que le nouveau Subject que vous avez de haïr le Pere, ne
fasse point passer vostre inimitié jusques au Fils; qui ne doit avoir
aucun blasme du ses Desseins, puis que non seulement il en est tres-innocent,
mais que mesme il les deteste & se
†p deleted dispose à leur ruine.
~ Bien que vostre companie me soit infiniment chere j'ayme assez ma
Soeur pour lui ceder la satisfaction que J'en retire, & vous ne la hayssez
pas tant que vous ne puissiez vous divertir aupres d'elle jusques a nostre
retour.
~ Me met plustost en estat de demander de la consolation que de vous
en donner: & toute celle que je puis recevoir consiste dans l'Esperance que
J'ay que cette absence ne pourra rien à mon Prejudice; & que vous
conserverez quelque souvenir de celuy, qui vous adore avec tout le Zele que les
Dieux peuvent desirer de vous.
~ Et ne hazardez que bien a propos ce qui n'est plus à vous,
si vous ne voulez revoquer le Don que vous m'en avez fait; & si vous aymez
ma vie, ayez soin de la vostre.
~ Ce jour estoit si extraordinairement Sombre, qu'on
avoit't' altered from 'd' de la
peine à s'entrevoir; & sembloit avoir desia pris le Duëill de
tant de milliers d'hommes à qui il devoit estre estre le dernier.
~ Ce desespoir offence les Dieux au dernier Point, & c'est d'eux
que vous devez attendre la fin d'une vie qu'ils vous ont données: mais
puis, (repartit le [Prince]) qu'ils ont ravy
celle'c' altered from 'd' d'Art, ils ont perdu le soin de la mienne: & m'en
ostant le subject, ils m'ont osté
le'l' altered from 'c' Desir de la
conserver.
~ & je desesperois enfin de le remettre si je ne me fusse
avisé d'etouffer les souvenirs de l'amitié dans les
Considerations de l'amour: &
†lui deleted me servir du Pouvoir de Statira pour luy conserver celuy
qui ne vivoit que pour elle.
~ Je ne veux pas vous obliger à recevoir cette Affliction
d'un visage égal: mais en homme qui est un peu Maistre de ses Passions:
je ne sçaurois condamner des Pleurs si legitimes, mais aussi je ne puis
approuver vostre Desespoir; vos larmes tesmoignent que vous estes homme, mais
vostre opiniastreté à vous perdre tesmoigne que vous ne l'estes
pas, puis qu'il vous reste si peu de raison, lors qu'elle vous est la plus
necessaire.
~ Tournez encore vos yeux sur moy, & si vous estes la mesme
St. si religieusement adorée du pauvre
Orond. voyez que je suis encore le mesme
Oronte, de qui la divine
St. a esté si religieusement adorée.
~ Et si vous me permettez de vous exposer mes Sentiments, je vous
diray que j'ay tousjours creu, qu'il y avoit autant de Differentes sortes de
Bonheur, qu'il y a de differentes sortes d'esprits; & que comme le vray
Souverain bien ne consiste que dans la seule satisfaction de l'esprit; la seule
diversité des Inclinations y peut mettre la Difference.
~ Non pas comme ces amoureux speculatifs, qui se contentent d'une
oeillade, & idolatrent dix ans un Visage, sans pretendre autre fruit de
leur adoration que la veüe & l'entretien.